DOMINIQUE BERIOT Savoir cadrer

Dominique BERIOT : Savoir cadrer

 

« Il est important de cadrer ses demandes pour gagner en efficacité »

 

L’Expert 16h44

 

Riche d’une expérience de dirigeant et de DRH d’entreprises de plus de 1500 personnes, Dominique Bériot est aujourd’hui une référence de l’approche systémique en France. Ses conférences données dans les plus grandes écoles ainsi que ses ouvrages, préfacés notamment par Michel Crozier ou Joël de Rosnay, sont des incontournables pour le manager d’aujourd’hui. 16h44 ne peut que recommander son « Guide systémique du manager d’équipe » paru en 2018 aux éditions Eyrolles.

Aujourd’hui, il nous parle d’une tâche quotidienne pour un manager : celle d’émettre une demande à un collaborateur. Souvent formulée de manière approximative, la demande constitue un enjeu au sein d’un management qui mérite d’être amélioré. Dominique Bériot nous explique l’importance de cadrer ses demandes pour gagner en efficacité.

 

 

Dominique, selon toi, la plupart des managers ont une grande marge de progression sur une des tâches qu’ils réalisent le plus fréquemment.  

 

En effet, tout au long de ma carrière j’ai été frappé par une chose. J’ai remarqué que lorsqu’un manager formule une demande à un collaborateur, celle-ci cristallise souvent une incompréhension entre les deux parties, et provoque de la déception à l’arrivée. J’ai pu observer cela malgré une implication pleine et sincère de la part du collaborateur comme du manager et j’en ai déduit que c’est la formulation de la demande elle-même qui pose problème. La situation inverse se produit également : un manager reçoit une demande et pense y répondre correctement mais le demandeur, finalement, est déçu par la réponse apportée.

 

Comment expliques-tu cet invariant qui fait perdre en efficacité ?

 

Ce qui provoque cette incompréhension est assez simple à comprendre, il s’agit avant tout d’un manque de clarté dans la demande. C’est-à-dire que l’objectif réel n’est pas assez ou pas du tout explicite : il est présent dans la tête de celui qui émet la demande mais ne parvient pas jusqu’à celui qui la reçoit. Il se situe à un niveau supérieur, tacite.

Prenons l’exemple d’un entretien pour illustrer le mécanisme. Un manager reçoit trois collaborateurs qui lui font part de leur envie d’évoluer professionnellement. Apparemment, les trois demandes sont similaires du point de vue du manager. En fait, pour chacun des collaborateurs, l’objectif diffère. Le premier espère se sortir d’une situation de conflit et moins subir de stress, le deuxième escompte un revenu plus important pour satisfaire des besoins familiaux, et le dernier souhaite accéder à plus de responsabilités pour faire avancer sa carrière.

Derrière chaque demande, il y a un objectif propre difficilement décelable dès lors qu’il n’est pas clairement exprimé. Dans le cas où les motivations réelles ne sont pas comprises par le manager, il risque de mal répondre aux attentes des collaborateurs, générant frustrations, incompréhensions. Il y a une perte d’énergie et d’efficacité significative pour tout le monde.

 

Il est donc essentiel d’expliciter l’objectif de niveau supérieur ?

 

Oui, et pour plusieurs raisons. D’abord, pour vérifier qu’il y a bien une cohérence entre la demande et l’attente réelle. Si ce n’est pas le cas, c’est qu’un autre objectif se cache au niveau supérieur. Ensuite, pour permettre à son interlocuteur de se saisir pleinement de la demande et avoir ainsi plus de chance de la voir aboutir, car il aura tendance à rejeter la demande s’il n’en comprend pas totalement le sens.

Par ailleurs, en formulant une demande claire, on agit comme libérateur d’énergie. L’autre peut mieux s’impliquer et être plus autonome s’il comprend tous les enjeux, il y a donc plus de chance qu’il apporte une réponse adéquate. Un cadre clair favorise les actions pertinentes. Pour reprendre l’exemple cité plus haut, le manager pourra travailler avec le premier collaborateur sur un accompagnement à la gestion de conflit et envisager une évolution de la rémunération pour le second, plutôt que l’inverse.

Enfin, celui chargé de traiter la demande disposera d’arguments réels pour la faire valoir. Il sera mieux armé pour conduire le changement, notamment face à des acteurs opposés au projet. C’est toujours plus convaincant d’argumenter que de simplement rétorquer “qu’on m’a demandé de le faire” !

 

Pourquoi les demandes ne sont-elles pas toujours traitées ainsi ?

 

Parce que ce n’est pas si facile à réaliser. L’écoute n’est pas toujours au rendez-vous, ou alors des situations particulières peuvent faire obstacle à la clarté. Dans un environnement international par exemple, certains facteurs peuvent brouiller la communication.

Surtout, un manager peut avoir tendance à se projeter, à imaginer l’objectif qui se cache au niveau supérieur et se faire une idée fausse. C’est l’erreur la plus courante et il faut y être particulièrement attentif. A l’inverse, votre manager n’est pas forcément habitué à ce que vous lui demandiez d’expliquer et de justifier sa demande réelle, mais vous lui rendez un grand service si vous le faites.

 

Quels conseils peux-tu donner à ceux qui n’ont pas encore lu ton guide, pour réussir cet exercice et détecter l’objectif de niveau supérieur ?

 

La tendance naturelle, lorsque l’on formule une demande, est d’en expliquer les raisons et d’indiquer à l’autre la marche à suivre. Il faut parvenir à sortir de ce schéma très directif, expliquer plutôt le sens de la démarche et laisser à l’autre la liberté d’agir. Il faut orienter ses explications sur le but de la démarche plutôt que sur ses raisons.

Et dans le cas où l’on reçoit une demande, l’objectif est d’en saisir les enjeux réels.

Après des recherches, nous avons détecté que la meilleure question à poser est, en fonction du contexte : Pour obtenir quoi ? Pour aboutir à quoi ? Pour parvenir à quoi ?

 

 

L’idée est de passer du “pourquoi”, qui induit la causalité, au “pour quoi”, “vers quoi” afin de mettre l’interlocuteur face à sa demande. En agissant ainsi vous précisez les cibles, vous permettez la clarification des objectifs et vous permettez à l’interlocuteur comme à vous-même de mener les actions pertinentes.

 

 

16h44. L’Application.

 

Dès maintenant :

Mettez-vous en situation : un directeur fait savoir à son chef de service qu’un collaborateur devrait se comporter autrement. Vous êtes le chef de service, comment recevez-vous cette remarque ? La demande est floue, imaginez les questions que vous devez vous poser pour la clarifier.

De quel comportement s’agit-il ? En lui demandant un changement de comportement, vous souhaitez obtenir quoi de sa part ? Tentez d’identifier l’objectif réel de cette remarque qui vous est adressée.

 

Cette semaine :

Sur cinq demandes que vous recevez ou formulez, astreignez-vous, à en traiter au moins une selon la méthode exposée le type de questionnement proposé.

Augmentez le recours à cette méthode les semaines suivantes.

 

D’ici un an :

Intégrez complètement cette recherche systématique de l’objectif de niveau supérieur à la demande, ainsi serez-vous en mesure d’améliorer le traitement ou l’émission de demandes et pourrez-vous en constater un gain d’efficacité !

Si vous souhaitez aller plus loin et apprendre à exprimer ou traiter globalement une demande, vous trouverez des réponses dans l’ouvrage de Dominique Bériot, qui vous accompagnera de manière claire et opérationnelle.

 

 

 

 

 

2 commentaires sur “Dominique BERIOT : Savoir cadrer”

  1. Cela commence en fait par ce qui s’appelle en Anglais”active listening “
    Il faut se mefier des différences culturelles comme une culture ou on ne dit jamais non, ou une culture ou on dit toujours oui.
    L’ auteur n’ aborde pas l’importance de la culture de l’entreprise.

    1. Bonjour Alan Dominique n’aborde pas ce point dans cette interview, mais développe avec le même brio le spoints que tu évoques dans son « guide systémique du manager ».
      N’hésite pas à le commander. Je te garantis l’intérêt de cet ouvrage !
      Bonne journée à toi
      See you in France, or maybe in your country. We never knows 🙂

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