L’Expert 16 h 44
L’expert 16h44 du jour est formé aux approches neurocognitive et comportementale. Après un parcours riche dans le domaine de l’informatique, Jean-Pascal Cote s’est spécialisé dans les systèmes de management novateurs. Il partage aujourd’hui son temps entre recherche et conseil aux entreprises et poursuit l’objectif, avec son cabinet Intereliance, de faire du lien entre des éléments parfois contradictoires pour créer de l’unité !
Avec la conviction qui le caractérise, Jean-Pascal est revenu sur la nécessité pour un entrepreneur d’identifier la raison d’être de son projet.
Jean-Pascal, dans ton travail tu développes l’idée selon laquelle la raison d’être d’un projet constitue l’âme de l’entreprise. Peux-tu nous en dire plus ?
Oui, il faut imaginer un caillou lancé dans l’eau, dont l’impact génère à la surface des cercles qui grandissent à mesure qu’ils s’éloignent du centre. Vous savez, le mouvement se diffuse comme une onde et chaque cercle trouve sa source dans le précédent. Eh bien, lorsqu’un projet voit le jour, il se produit un effet semblable. Le coup d’envoi enclenche nécessairement une succession d’étapes. Et de la même manière que les cercles sont amenés à heurter une berge ou à croiser d’autres cercles, le projet rencontre des résistances qui le modifient et agissent sur lui. Je crois que l’âme d’un projet se trouve autant dans le pourquoi (le caillou, la source) que dans le comment (les trajectoires empruntées, les obstacles). Simon Sinek parle d’ailleurs du cercle d’or lorsqu’il traite de son concept du “Why, how, what”.
Avoir conscience des interférences et ne pas perdre de vue l’idée initiale d’un projet n’est pas toujours aisé.
Pourquoi est-ce si important pour un entrepreneur d’avoir toujours en tête le projet dans sa forme première ? On pourrait penser au contraire que s’adapter aux circonstances à mesure qu’il évolue lui serait bénéfique.
Garder à l’esprit l’idée initiale d’un projet ne signifie pas faire abstraction de l’environnement, au contraire. On le sait, l’environnement évolue en permanence et ce qui est pertinent au départ ne le reste pas forcément toujours. Il est donc essentiel de s’adapter et de savoir écouter les signaux qui indiquent si l’on est toujours sur la bonne voie (le chiffre d’affaires, la demande,…). C’est un vrai challenge pour toute entreprise d’opérer cet ajustement permanent tout en restant cohérente, entre sa raison d’être, ses processus et son offre de service. C’est pour cela qu’il est fondamental d’avoir en tête la raison d’un projet, car cette base solide va permettre d’être malléable mais sans se disperser, c’est-à-dire de s’adapter efficacement sans que les contraintes extérieures ne viennent diluer l’essence du projet.
L’apparition d’un projet constitue un impact d’une force telle qu’il engendre tout un écosystème, et le rôle du manager est de veiller au maintien de l’harmonie au coeur de cet écosystème. Si l’essence du projet (sa raison d’être) continue à être nourrie malgré le mouvement constant, alors l’entreprise se portera bien. L’entreprise est une matière vivante dont l’âme agit (la magie) selon une logique systémique, organique.
Comment s’assurer alors du maintien de l’harmonie au sein de l’écosystème ? Ou pour le dire plus pragmatiquement, que l’objectif et l’activité sont bien alignés ?
Je crois qu’il faut prendre la question à l’envers et considérer les signes qui montrent que l’alignement n’est plus de rigueur. Lorsqu’un dirigeant a perdu de vue la raison de son entreprise, s’il ne sait plus clairement quel but il poursuit, cela se traduit remarquablement sur son équipe, qui manque d’orientation claire et a tendance à s’éparpiller…
On observe chez les entreprises qui font cet exercice de réaffirmation que la conscience claire de l’objectif principal permet une meilleure gestion de l’énergie et une plus grande performance.
Sur le terrain, j’ai pu observer des situations symptomatiques d’une perte du cap. L’abondance d’objectifs poussifs à court terme, par exemple, traduit souvent un manque de clarté. Il arrive même que ces sous-objectifs soient contradictoires tant l’activité manque d’une vision dans le temps. Ces orientations court-termistes sont souvent coûteuses, en argent comme en énergie, et peuvent favoriser de la manipulation, du mensonge, comme l’ont montré quelques scandales retentissants.
Au fil de tes collaborations, tu es amené à observer les managers et leurs fonctionnements. Constates-tu une évolution du monde de l’entreprise ? Selon toi, à quoi ressemblera l’avenir dans ce domaine ?
En effet, de nouvelles notions se font une place dans le monde de l’entreprenariat et le manager traditionnel est à mon sens voué à disparaître. Je pense que le vent de modernité qui souffle aujourd’hui sur l’entreprise n’est pas tant une mode que l’appel d’un monde en perpétuelle évolution. Les nouvelles organisations ont un besoin d’agilité et de flexibilité important. Nous quittons progressivement un monde mécanique, aux structures figées, pour entrer dans un monde plus complexe, volatile, incertain, au sein duquel les entreprises adoptent un fonctionnement plus organique. Je suis d’ailleurs convaincu que nous avons tout à gagner en nous inspirant des biomécanismes. Cela signifie par exemple de mieux accepter les situations tendues ou compliquées, de faire une place à l’erreur, etc… Dans la nature, les tempêtes n’empêchent pas les plantes de pousser, et si certaines disparaissent, elles laissent la place à de nouvelles pousses.
Jusqu’ici, nous avons fonctionné principalement à la force de la programmation, du formalisme et des structures solides. Nous devons désormais y intégrer plus de flexibilité et, comme beaucoup le préconisent, plus de verticalité aussi. La rigidité hiérarchique devient inopérante. Les neurosciences sont, de ce point de vue, une source importante, qui permettent de mieux comprendre et d’analyser nos biais cognitifs. Le domaine de la décision notamment, qui concerne directement les entrepreneurs, gagne à être bousculé, repensé. On sait aujourd’hui que le rationalisme poussé à l’extrême, rassurant à première vue, n’est pas le plus efficace.
L’application 16H44
- Demandez-vous :
- Pourquoi mon entreprise existe-t-elle ? Quel but poursuit-elle, où trouve-t-elle son sens ?
- L’objectif premier est-il clairement identifié et partagé par l’ensemble de l’équipe ?
- Organisez une discussion de groupe avec l’équipe et pointez ensemble les possibles dissonances, réaffirmez le message-clé.
- Interrogez votre entourage sur la raison d’être de votre projet, est-il compréhensible, visible ?
- Invitez Jean-Pascal pour vous aider à formaliser et à communiquer sur la raison d’être de votre projet !
- Régulièrement, reconnectez-vous à votre projet et reposez-vous ces questions pour vérifier que le comment répond bien au pourquoi !
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Excellent article – on reconnait l’expérience de terrain et la connaissance du pourquoi