“Un investissement léger dont l’impact est sans aucun rapport avec ce qu’il coûte”
L’Experte 16 h 44
Séverine GERARDIN aime tisser des liens solides et pérennes. Toujours tournée vers l’avenir, sa force de travail et son ouverture l’ont conduite à exercer de grandes responsabilités et à piloter la communication au sein d’un grand groupe métallurgique à travers le monde. Sa formation (Master 2 communication des organisation et Executive MBA EM Lyon), son parcours, sa passion pour le processus de transformation l’ont conduite à créer son propre cabinet simones-and-co.com au sein duquel elle diffuse ce qui est désormais un réflexe chez elle, la prise en compte des parties prenantes pour une performance équilibrée et durable.
On entend de plus en plus parler de la notion de “parties prenantes”, mais de quoi s’agit-il précisément ?
Une partie prenante, c’est une personne ou un individu qui a un intérêt dans votre organisation. Elle peut être interne ou externe. L’expression trouve son origine dans le terme anglais stakeholder (celui qui détient un intérêt) mais elle vient surtout des Etats-Unis. C’est Edgar Freeman qui l’a théorisée au début des années 80 en mettant notamment en évidence le fait que la profitabilité n’est pas le seul critère important pour une organisation. La notion s’est d’abord développée au sein d‘entreprises anglo-saxonnes. En France, on s’est vraiment mis à parler de parties prenantes avec le développement de référentiels relatifs à la responsabilité sociétale des entreprises (ISO 26000 par exemple) et plus récemment son intégration dans la loi PACTE en France. L’identification et la cartographie des parties prenantes se généralise progressivement et avec elle, et c’est là son importance, la prise en compte plus forte de l’écosystème au sein des projections. C’est selon moi la voie royale pour aborder la responsabilité sociétale des entreprises, et par conséquent celle d’un développement durable. Elle va de pair, voire même est indissociable de la gestion des impacts négatifs et positifs de l’entreprise pour finalement concevoir toute sa chaîne de valeur intelligemment et durablement.
Ce qu’il faut retenir, c’est que c’est une notion qui aide
– à observer l’écosystème avec attention,
– à vérifier que les stratégies sont cohérentes avec les quatre dimensions intégrées du développement durable : sociale, environnementale, de gouvernance et économique,
– à détecter des risques pour l’entreprise et des opportunités de partenariat,
– à clarifier comment chaque partie intervient sur la chaîne de valeur.
Elle est particulièrement pertinente en gestion de projet puisqu’elle incite à repérer tous les acteurs en jeu et leurs interactions probables, quelle qu’en soit la nature.
Est-ce un outil que tu préconises quelle que soit la taille et le fonctionnement d’une entreprise ? Son application et sa complexité la réservent-elle aux grandes entreprises ?
On pourrait croire que sa complexité apparente la réserve aux grandes entreprises, mais je suis convaincue qu’au contraire, tous types d’organisations méritent de s’y intéresser. Qu’il s’agisse d’un groupe international ou d’une entreprise naissante, peu importe finalement puisqu’il y a nécessairement des interactions entre différents acteurs dont il faut prendre soin, des enjeux à différents niveaux qu’il convient d’identifier, un environnement à comprendre, etc. J’encourage toutes les entreprises à le faire tellement c’est important et puissant.
Comment conseilles-tu d’aborder l’analyse des parties prenantes aux non-spécialistes de la question ?
Je proposerais de commencer simplement par :
– Lister les parties prenantes internes ou externes (salaries, syndicats, médecins du travail, fournisseurs, pouvoirs publics, associations, médias, clients, investisseurs, actionnaires, groupements d’employeurs,…
– Créer un poster de tous ces acteurs et de leurs interactions. Le visuel est efficace.
– Clarifier ensuite qui va intervenir à quelle étape de la chaîne de valeurs et évaluer chaque partie sur une échelle de 1 à 5 en terme d’importance et d’influence.
Cette méthode simple permet de révéler des potentiels sous-estimés, voire ignorés. Vous verrez aussi qu’il s’agit d’un outil vivant et mouvant au fur et à mesure de l’évolution de votre organisation.
As-tu des exemples marquants de réussite de cette méthode des parties prenantes ?
Dans les entreprises, et plus seulement les grandes, et même si l’organisation est souvent solide, c’est surtout le regard externe qui est intéressant pour
– S’assurer que l’entreprise n’est pas victime de biais lorsque l’on touche à des sujets délicats et que la pression est extrême. Par exemple, une grande entreprise s’enferme dans le déni lorsqu’un changement trop brusque génère des suicides.
– S’assurer que le cap du long terme est toujours présent. Bien sûr, certaines entreprises peuvent aborder cette démarche de façon cynique, mais je ne suis pas certaine que cette attitude soit gagnante. Merci à la puissance des réseaux sociaux qui jouent un rôle de garde-fou lorsque des principes sont piétinés.
Bien menée, cette démarche et un regard neutre peuvent transformer des situations inextricables en opportunités. J’ai en mémoire la renégociation complexe d’un contrat d’énergie entre un gouvernement et un fournisseur national auquel j’ai participé. Alors qu’initialement l’activité devait s’arrêter, l’analyse des intérêts de toutes les parties prenantes a fait apparaître des intérêts communs. L’activité a pu alors être maintenue et ses emplois directs et indirects avec. Et là je parle d’une usine de taille PME (500 personnes).
Je me souviens également d’une autre PME (50 personnes), dont le dirigeant avait fait le constat de la nécessité de transformer son projet d’entreprise pour l’aligner avec un contexte de marché très évolutif. Cette entreprise devait structurer ses fonctions supports, renforcer la relation client… La maîtrise du métier de base avait clairement montré ses limites.
L’analyse des parties prenantes lui a permis de clarifier son environnement et les relations externes, de se reconnecter aux enjeux réels.
J’ai en tête, enfin, l’expérience de trois jeunes associés dont le lancement était plutôt réussi. Mais ni leur profil d’ingénieur, ni leur accompagnement en incubateur ne les avait sensibilisés à cette approche. Leur appropriation de cette démarche leur a permis de faire un bond et d’enrichir considérablement l’impact de leur proposition de valeur.
En résumé, je dirais que c’est un investissement léger dont l’impact est sans aucun rapport avec ce qu’il coûte pour :
– détecter les problèmes, les risques
– désamorcer les conflits, et détecter les opportunités
– trouver des solutions pertinentes, par l’écoute et la coopération.
L’Application 16h44
- Connaissez-vous les 3 parties prenantes qui ont le plus d’impact sur votre entreprise ? Listez-les et schématisez les interactions.
- Quelle est celle qui représente le plus grand risque pour votre entreprise ? Comment pouvez-vous prévenir ou contenir ce risque ?
- Quel acteur au contraire avez-vous sous estimé ? Quelle potentialité reste en sommeil ?
severine.gerardin@simones-and-co.com
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Faire un bon diagnostic est la partie la plus importante du procédé
Brillant exposé à l’image de la maîtrise du sujet qu’a développé Céline. Bravo!