« La vérité est plus forte que le mensonge, même lorsque celui-ci est déployé avec talent »
L’Expert 16 h 44
Sylvain Duprez incarne depuis toujours un discours clair, simple, lucide et sans complaisance. Aujourd’hui manager dans le digital, il prône la transparence dans les échanges et construit ainsi, année après année, des relations solides et bienveillantes avec son entourage comme avec ses collaborateurs. C’est naturellement sans fioriture qu’il nous fait part de sa conviction : « que la vérité est plus forte que le mensonge, même lorsque celui-ci est déployé avec talent ».
Sylvain, tu préconises de toujours dire la vérité à ton collaborateur, à ton client, à ton partenaire. Mais un petit mensonge, ce n’est pas si grave, si ?
Bien sûr, il existe des mensonges de convenance. En fonction du degré d’intimité que l’on entretient avec une personne, nous répondons différemment. Dire que l’on va bien même si ce n’est pas tout-à-fait juste est évidemment acceptable, surtout quand la question n’est qu’une formule de politesse. Mais attention, dire à un client qu’il sera livré sous cinq jours, alors que le délai probable est en réalité de six ou sept jours, est une prise de risque. C’est un petit mensonge qui va aider à obtenir une commande, mais qui peut aussi remettre en question la confiance que le client m’octroie. Ce petit mensonge, à priori inoffensif, va introduire de la méfiance et de la contrariété au sein de la relation que j’entretiens avec le client et portera donc finalement préjudice à cette relation.
Est ce que j’accorde pleinement ma confiance à quelqu’un que je connais à peine ? Non, car la confiance se construit, elle nécessite du temps et vient souvent graduellement. Pourquoi, alors, prendre le risque de dégrader ce processus en arrangeant la réalité ? Cela peut à terme coûter cher et avoir des conséquences imprévues.
On ne maîtrise pas toujours tous les paramètres d’une situation (qualité d’une prestation, évolution de la carrière d’un collaborateur, etc.). Comment garder le cap de la vérité coûte que coûte ?
Bien sûr, tout ne se passe pas toujours comme prévu. Mais dans ce cas, l’interlocuteur fait très bien la différence entre un impondérable et un mensonge. Il peut ne pas être satisfait d’une baisse de qualité et décider de changer de fournisseur, ou ne pas être satisfait d’une carrière bloquée et préférer quitter l’entreprise. Mais cela n’entame pas le capital confiance de votre relation si vous êtes resté honnête. Vos routes pourront se croiser à nouveau et alors de nouvelles collaborations seront toujours possibles. L’avenir de la relation n’aura pas été hypothéqué.
Pourquoi beaucoup de managers ou de commerciaux cèdent-ils à la tentation du mensonge ?
Un jeune manager peut être victime du syndrome de Pinocchio. Il commence par être un peu imprécis dans son discours puis il est pris à son propre jeu et ajoute du mensonge au mensonge pour rester raccord. Mais la plupart des gens sont intelligents, ils perçoivent le nez qui s’allonge. Si une machine peut détecter le mensonge, il est évident que notre subconscient a des millions de signaux qui lui indiquent que son enfant, son collègue, son manager lui ment. Rappelez-vous du dernier démarchage téléphonique. Je parie que vous avez flairé l’arnaque très vite.
Mais parfois, les mensonges sont la conséquence d’un système. L’illusion du court terme incite à mentir et à s’engager dans une stratégie sans avenir, qui fera peut-être illusion quelque temps. Lorsqu’un manager impose une pression très forte, il incite indirectement ses collègues à avoir recours aux mensonges pour sauver les apparences. Mais la situation est très fragile à long terme.
Comment acquérir le courage de tenir un discours de vérité ?
D’abord, en étant conscient et convaincu que cette stratégie est gagnante à long terme, notamment en observant comment un échange honnête améliore la relation avec l’interlocuteur. Même les désaccords, commerciaux ou managériaux, peuvent favoriser la confiance s’ils sont menés avec transparence, au-delà des tensions et autres conflits d‘intérêts. Le mensonge constitue une fuite d’énergie, puisqu’il nécessite d’être protégé, de jongler avec la réalité. Il faut prendre conscience que cette énergie, gâchée, peut être mise au service de plus de performance ou de bien être.
Ensuite, il faut se doter d’outils pour exercer la vérité. Travaillez vos techniques de communication et armez-vous pour pouvoir affirmer un désaccord sans arranger la réalité.
Exemple :
Un client ou un collaborateur fait une demande à laquelle je ne peux répondre positivement. Au lieu de me dérober et de lui formuler une promesse hypothétique, je peux suivre ce cheminement :
- Pourquoi cette demande est-elle si importante pour lui ?
- Ai-je une solution pour traiter son besoin ?
- Si non, comment trouver une solution créative ?
- Si je n’entrevois pas de solution, lui indiquer les contraintes réelles qui font obstacles à sa demande et le laisser agir en conséquence.
- Me dire que quel que soit le résultat j’ai fait mon travail.
16h44 L’application. Adoptez un discours de vérité
Dès maintenant, adoptez cet exercice
Avant de répondre à une demande, demandez-vous : quel message vais-je faire passer ? Est-ce le bon ? Est-ce la vérité ? Corrigez si besoin. En laissant un peu de temps et en vous interrogeant, vous passez du mode automatique au mode préfrontal qui favorise la réflexion et l’intelligence.
Au cours de ce mois
Affichez vos engagements. Si c’est clair pour vous et pour les autres, il sera difficile d’être en désaccord avec ce que vous êtes vraiment (ce que vous êtes ou ce que vous mettez en place dans votre travail ?)
Lors de grandes occasions (vœux, événements…)
Affirmez vos valeurs fondamentales à votre équipe, pour propager des attitudes sincères autour de vous.
Et N’oubliez pas que dire la vérité ne signifie pas dévoiler sa vie privée.
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Très belle interview Sylvain, un régale à lire ! Et d’autant plus en cette période d’énergie d’authenticité et de vérité… les synchronicités font leur travail, un sujet aligné 🙂
Merci
Merci Marie ! J’attends de lire les suivants avec impatience.
Je suis pleinement en phase en « défenseur de la vérité », de la bonne foi, du parler franc envers clients, partenaires et collaborateurs…cela peut amener à moins de « diplomatie » mais au final on reste droit dans ses bottes et surtout en phase avec les personnes qui compte(ro)nt pour nous…
Je ne suis pas sur que cela soit moins « diplomate ». Mais oui, de façon certaine, cela permet de rester en phase avec soi déjà, et avec les autres ensuite. Quand a ceux qui ne sont pas contents, ce n’est pas très grave 🙂