L’Expert 16h44
Beaucoup d’entre-vous connaissent Philippe Gabilliet, que ce soit pour le talent avec lequel il nous a fait partager l’éloge de l’optimisme, ou parce que vous avez été l’un des millions à écouter la vidéo « comment avoir de la chance » qu’il a réalisée (www.philippegabilliet.com).
Ce talent d’orateur, qui donne une impression de grande facilité, n’est bien sûr pas le fait du hasard (qui ne favorise que les esprits préparés). Sociologue, Professeur à ESCP Europe, chercheur, et conférencier reconnu, il travaille en profondeur les sujets qu’il nous partage.
Lorsque vous avez la chance de le rencontrer, vous êtes aussi impressionnés par sa simplicité et sa disponibilité.
Avant la sortie, dans quelques semaines de son prochain ouvrage, « L’art de changer de vie en 5 leçons » aux éditions Saint-Simon, il nous invite à jouer la carte de l’audace.
Philippe, pourquoi, en 2017, mettre en lumière l’audace ?
Le point de départ de cette interrogation, c’est un constat et un étonnement.
Le constat : jamais dans toute l’histoire, le monde n’a proposé un champs des possibles aussi grand.
Nos ancêtres, sauf exception, vivaient, mouraient dans un rayon de 30 kms autour de leur lieu de naissance. Et les migrations, quand elles existaient, étaient souvent contraintes. Leur univers social était aussi restreint.
Aujourd’hui, le voyage est devenu accessible en terme de coût et de simplicité. La connaissance aussi devient accessible et de plus en plus gratuite, tout au moins dans nos sociétés occidentales. On n’a jamais été aussi libre de vivre plusieurs vies.
L’étonnement : Paradoxalement, on observe une fermeture et une frilosité grandissantes chez nombre de nos contemporains.
Cela se traduit par le retour d’attitudes conservatrices en termes de mœurs, à un rapport au risque qui devient pathologique, sans oublier l’avènement du sacro-saint principe de précaution.
Comme le pressentait Jacques Brel avant de nous quitter « le monde sommeille par manque d’imprudence »
Et l’audacieux, avec son courage pourrait nous réveiller?
Attention à ne pas confondre audace et courage. Le courage est une valeur morale qui permet d’ affronter l’adversité. C’est d’ailleurs assez défensif, finalement. Le courage, vous en avez besoin lorsque d’un air grave votre médecin vous indique « qu’il va falloir être courageux », que votre DRH vous convoque et vous confie « je sais que vous allez être courageux », ou que votre banquier convoque votre courage avant de vous annoncer sa décision.
Et pour un prisonnier dans un camp, le courage c’est de tenir le coup, malgré tout, semaine après semaine.
Et l’audace ?
L’audace, pour ce même prisonnier, c’est de tenter l’évasion, la sienne et celle des autres…
L’audace, dans votre vie quotidienne, c’est lorsque vous décidez volontairement de vous mettre en déséquilibre. C’est lorsque vous décidez de « tenter un coup ». Et que vous expérimentez la vertu de la transgression.
Abraham Lincoln disait qu’il faut être courageux pour affronter l’adversité mais qu’il faut être audacieux pour s’en faire une « alliée ».
Les faiseurs sont les audacieux. Ce sont ceux qui « transgressent les règles ». Dans ce monde qui se ferme, qui par défaut, laisse de plus en plus de place à la norme et à la conformité, ils sont la clé de l’innovation et de la transformation dont on parle tant !
L’audacieux transgresse des règles, mais pas seulement. Il va aussi au-delà de ses propres limites.
Certains diraient qu’il sort de sa « zone de confort ». Mais c’est bien plus subtil et bien plus complexe !
En fait, l’audacieux sort aussi les autres de leur zone de confort. Et ce n’est pas confortable du tout. Ni pour lui, ni pour son entourage qui aspire à conserver celle-ci.
Donc, si vous insérez des zones d’audace dans votre vie personnelle ou dans votre vie professionnelle, attendez-vous à des résistances. De la part de vos soutiens comme de la part de vos détracteurs qui sont des défenseurs naturels de la norme.
Par exemple, vous serez souvent dénigrés. Alors autant s’y préparer. La relecture des avis d’experts au moment de l’apparition de nouvelles démarches audacieuses, après coup, est souvent très drôle.
1927 : «Mais qui a donc envie d’entendre parler les acteurs de cinéma ?» Harry W. Warner, président de la Warner Bros
1977 : «Il n’y a aucune raison que les gens aient un ordinateur chez eux» Ken Olsen, président de Digital Equipment
Et comment fonctionne l’audacieux ?
En France les notions pour appréhender ce concept sont incomplètes. Elles tournent autour de la « zone de confort », de la « zone de risque » ou de la « zone d’audace ». Je préfère l’approche anglo-saxonne avec la « stretch zone », la zone «d’étirement» des habitudes et des routines .
Elle définit bien la capacité à aller delà de mes limites, à étirer la zone dans laquelle j’évolue, à repousser mes limites traditionnelles, ce qui d’ailleurs, peut générer quelques courbatures morales ou intellectuelles.
L’audacieux, est quelqu’un qui va dans un endroit où les autres ne vont pas, par peur ou par méconnaissance.
Il ose la nouveauté.
Il accepte la remise en question
Il choisit de passer à l’action.
Comment s’engager de façon gagnante sur le chemin de l’audace ?
D’un point de vue collectif, sans doute que l’audacieux fait gagner le collectif. Il y a de l’altruisme dans cette vertu.
Pour l’audacieux, d’un côté, il se trouve dans une situation intéressante, qui le connecte à ses convictions. Il se place du côté des faiseurs, et vit pleinement, mais inconfortablement. Car il y a un prix à payer.
C’est pourquoi, il est utile de clarifier la différence entre l’audace et la témérité. C’est la frontière, mouvante, qui permet de tirer parti de cette attitude courageuse.
Cette limite tient à deux éléments « clé » :
– La nature plus ou moins vitale du risque que j’encours.
– Si ça ne marche pas, je risque de tuer quoi ? Mon entreprise, mon couple, ma réputation, ou juste un accessoire ? Quelle évaluation fais-je du risque maximal ? Au pire, que se passera-t-il ?
– Le sentiment de contrôle de ce qui se passe. Dans quelle mesure suis-je capable, par ma compétence ou par mon expérience, de contrôler les dérapages ? Marcher sur un fil est téméraire ou suicidaire pour certains, mais juste audacieux pour l’acrobate entraîné.
L’audacieux qui dure a une poire pour la soif ou un plan B. Le philosophe Alain nous dit d’ailleurs que l’audace est une « témérité dirigée »
Il est intéressant aussi d’avoir à l’esprit que l’audace si je me dresse contre les valeurs de l’autre peut devenir de la provocation (le billet de 500 F brûlé par Gainsbourg en direct, l’intervention des militantes Femen, Coluche lors de sa candidature à la Présidentielle de 1981). Mais la provocation est ambivalente. Elle peut être un acte militant, tout comme elle peut apparaître comme gratuite et porter préjudice à sa propre cause.
Êtes-vous finalement optimiste quant au développement de l’audace dans un monde globalement conformiste ?
En définitive oui. Par exemple, il y a 40 ans, les études nous orientaient pour la vie, les choix étaient structurants et contraignants. Aujourd’hui, nombre de jeunes ne s’enferment plus dans un projet pour la vie, mais répondent avec audace à des intentions différentes et à des rêves. Les bifurcations précoces de la vie professionnelle en sont un exemple intéressant. L’objectif n’est plus de me « caser » au plus tôt mais de me « réaliser » et de « m’épanouir » durablement.
Et d’ailleurs il n’est jamais trop tard pour bifurquer. Comme ces personnes – parfois plus toutes jeunes – mais qui vont avoir l’audace de changer de vie après la retraite, parfois dans l’incompréhension de leur entourage. L’audace est donc ouverte aussi aux plus âgés. Pour ma part, je pense qu’elle contribue sans doute à prolonger leur jeunesse.
L’application 16H44 : Devenez Audacieux
Dans la demi-heure
- Faites une liste de tout ce que vous aimeriez réaliser, obtenir ou vous payer dans les 2 ans qui viennent
- Identifiez la plus disruptive (celle qui va le plus perturber ou faire résister votre entourage). Par ex, acheter un livre sur le sujet, vous inscrire à une formation, organiser une rencontre…
- Faites le premier pas qui vous engage dans cette voie
Dans la semaine
- Identifiez une habitude simple qui vous pourrit la vie et que vous vous engagez à changer.
- Par ex, ne plus ouvrir ma boite mail avant 10 heures et de 8 heures à 10 heures faire autre chose
Donnez-vous rendez-vous le 1er Janvier 2018
- Faites le point du chemin parcouru
- Fort de vos premiers succès, engagez sur un nouveau plan pour 2018
- Relisez votre liste d’envies
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