Inès MENDES : Comment rendre possible la mission impossible ?

 

“Une mission impossible c’est une mission qui n’existe pas encore”

 

L’Experte 16 h 44

 

Dès le premier contact, Inès interpelle par ce mélange de spontanéité et de pertinence. Cette “exploratrice du nouveau” s’est outillée pour aller explorer l’être humain dans son environnement, d’abord à Sciences Po ULB en expérimentant ensuite le milieu politique, puis en devenant citoyenne au service du changement sociétal. Pour nourrir son expertise des nouvelles formes de gouvernance et élargir encore son horizon, Inès s’est formée au modèle de la spirale dynamique, puis a initié des dynamiques réussies de gouvernance coopérative.

 

Aujourd’hui, elle challenge la communauté 16h44 : Et si nous accomplissions nos missions impossibles… ?

 

 

Inès, dans ce monde en plein bouleversement, de quoi avons-nous le plus  besoin ? 

 

Que ce soit sur le plan économique, politique, celui des communications, de l’organisation du travail ou des relations humaines, le monde a surtout besoin d’une meilleure coopération.

La bonne nouvelle, c’est que tout le monde a quelque chose à apporter. Le problème, c’est que beaucoup ne sont pas à la bonne place, et que leur talent ne peut pas s’exprimer. Le signe le plus marquant de ce phénomène est le nombre croissant de burnouts ou le simple désengagement d’une association. C’est pourquoi la reconnaissance des talents d’une part et l’accessibilité à des formes de gouvernance partagée d’autre part sont des défis du changement sociétal.

 

 

Tu invites les lecteurs et lectrices à viser et à réussir l’impossible, dis-nous en plus à ce propos.  Qu’est-ce que cela signifie ?

 

Pour rendre possible une mission impossible, la première chose c’est d’être passionné.e par son activité et de ressentir la joie à l’accomplir. A l’inverse, avec des pieds de plomb, sous l’effet du stress et des égos en présence dont le sien, l’impossible n’est évidemment pas envisageable.  La joie que l’on éprouve en se consacrant à une action qu’elle quelle soit montre que l’on est aligné.e, que notre activité a du sens pour nous, et on embarque l’énergie du groupe dans notre sillage.

En fait, une mission impossible, c’est une mission qui n’existe pas encore. C’est donc une mission qui va vous amener doucement à sortir de votre zone de confort. Bien sûr le passage dans cette zone trouble s’accompagne immanquablement de doutes ou de peurs qu’il va falloir tenter de dissiper, car ce sont des sentiments qui ont tendance à inhiber les capacités. La meilleure façon de venir à bout de ces émotions paralysantes est de faire confiance en ce que vous entreprenez, et surtout de le faire avec plaisir. La clé, c’est le sens que cette mission a pour vous.

Peu importe que cette mission vous anime d’un point de vue apprentissage, financier, intellectuel ou technique, dès que votre vision de l’avenir prend forme, si elle a du sens pour vous, c’est jouable. 

 

Une mission impossible  implique un groupe ou une communauté, en fait tout un système…

 

Oui ! C’est tout l’enjeu, réussir l’impossible en équipe !

Pour réussir de manière collective, il faut établir les fondamentaux d’un projet que sont « la vision, la mission et les valeurs partagées ». Et que chacun.e puisse se relier à l’intérieur du système mouvant dont il fait partie, pour aller dans le même sens. Il s’agira de ressentir la même énergie et le champ émotionnel qui émane du système.

Chacun avance avec un rôle spécifique, clairement défini et complémentaire du talent de tous les autres équipiers. Les conceptions individuelles du monde ne font pas obstacle dès lors qu’un enjeu commun est partagé.

L’élaboration d’une vision commune est la première marche vers des horizons  infinis.  Cette vision commune, c’est le rêve utopique projeté loin dans le futur (= qui n’existe pas encore), peut  être amenée de différentes façons, en demandant par exemple à chacun d’imaginer.

– Nous vivons dans un monde où

– La vision de notre projet est un monde où …

Cette vision partagée poétiquement peut se perdre de vue. C’est pourquoi elle doit être réactivée régulièrement. 

Pour bien comprendre son impact, il suffit de regarder dans les organisations, entreprises ou associations le désastre créé par la cacophonie des points de vue individuels autocentrés. Et où le rapport de force s’exprime par l’opinion qui sera la plus entendue sans plus aucun rapport avec la vision du groupe.

 

2ème marche à suivre vient ensuite dans l’élaboration de la mission qui va se mettre au service de la vision partagée. Elle va répondre par des verbes d’action à la question : « Quelle est la touche personnelle apportée par l’équipe pour atteindre cette vision ? » et elle s’inscrit autour de valeurs nobles partagées. Tout cela au sein d’un cadre de partenariat clairement défini entre et par les membres du collectif donné.

 

 

Inès, peux-tu nous parler de ce que tu as appris en accomplissant des missions qui semblaient impossibles ?

 

J’ai appris que les valeurs de bienveillance et de confiance ne se décrètent pas. Elles émergent grâce à la dynamique de groupe. Cela prend du temps, mais il faut accepter de “perdre” ce temps pour en gagner rapidement ensuite. Et au final, aller plus vite et plus loin en même temps. Ce n’est pas incompatible.

 

– Un cadre créé et validé par toutes les parties (donc confortable) d’une part et adaptable à l’évolution du contexte de l’action (donc souple) d’autre part est un ancrage précieux pour le groupe. Il est protecteur et prend soin de l’équipe comme de chacun de ses membres. On est bien d’accord que les conflits, les divergences, les couacs sont inéluctables. Au plus un cadre est clair et régulièrement rappelé, au plus les actions mises en œuvre par le collectif seront fluides et efficaces. C’est un signe de maturité et de performance de l’équipe.

 

– Un groupe en sécurité est capable de créativité, de décisions éclairées, de performance. Un groupe homogène, avec des profils similaires est moins riche qu’un groupe hétérogène.

Le groupe hétérogène porte en lui forcément des sources de conflits, de prises de pouvoirs mais rayonne aussi d’un plus grand potentiel d‘énergie. Sublimé par la dynamique collective, il dégage plus de force et de richesses. 1+1 = 3

Plus tu associes largement l’équipe et plus tu accentues les chances de réussir l’impossible. En effet, les individus.es éloigné.es du cercle de décision disposent d’informations cruciales pour trouver les clés de réussite de la mission.

Pour trouver cette hétérogénéité féconde, il ne faut pas hésiter à brasser des publics qui n’ont pas l’habitude de se rencontrer (internes ou externes à l’organisation, clients, usagers…). C’est souvent de ces rencontres que se crée l’étincelle qui sublime la dynamique engagée.

 

– la communication au sein du groupe est un vecteur d’efficacité. Plus la communication est fluide, moins les informations sont retenues et mieux le groupe fonctionne. La communication tue les conflits dans l’oeuf, là où la non reconnaissance, l’absence d’écoute génère frustration, gaspillage d’énergie, voire burn out, bore out ou brown out.

 

– Les talents de chaque individu d’un groupe est la base d’une équipe forte. Quelle qualité, quel savoir-faire, quel savoir-être sont spécifiques à chaque membre du groupe ? Comment celui-ci est-il libre d’y donner cours ? C’est la mission du leader d’identifier les talents de chacun.e et de s’assurer que ces excellences sont (re)connues et mobilisées par le groupe. Focalisez-vous sur les qualités individuelles et laissez les points faibles de côté, soit un autre membre s’en chargera, soit il faudra aller chercher ce talent à l’extérieur pour renforcer l’équipe.

 

Lorsqu’un leader nie les forces et les caractéristiques individuelles, il renie son équipe et n’écoute pas son propre système.

 

– Parfois, l’énergie du groupe est basse. Cela indique que le temps de la pause est venue. Exprimer une frustration ou partager sa peur aide à conscientiser un problème, l’identifier pour le traiter et mieux repartir à l’assaut de l’impossible. 

Certaines personnes de l’équipe ont plus que d’autres le talent de sentir l’ambiance du groupe, de capter les signaux cachés. Confiez leur cette responsabilité. D’autres ont probablement l’art d’exprimer les choses difficiles, au bon timing, de la même manière, ce sont des capacités que vous devez valoriser et mettre à profit.

 

 

Merci Inès pour ce partage. Une dernière question selon toi, quel est le frein auquel se confronte le plus souvent un.e entrepreneur.se ?

 

A l’expérience, les perturbateurs les plus fréquemment identifiés sont le stress et l’égo (lorsqu’on écoute plus que nos attentes personnelles et qu’on oublie l’intention de la mission définie ensemble). C’est pourquoi, le rôle du facilitateur (nouveau métier en émergence) est soutenant pour aider le collectif à avancer. C’est lui qui va l’aider à respecter le cadre que ce dernier s’est donné et par son regard méta à passer le pont des défis inhérents à tout type de projet.

J’ai remarqué aussi le pouvoir de la “golden shit”. Le déchet, l’erreur, le bug engendré par le groupe se trouve à l’origine d’une formidable progression. C’est souvent le couac qui fait faire le saut quantique. C’est le moment de prendre la posture d’écouter ce que dit le système et de l’aider à se réajuster. De quoi a-t-il besoin pour retrouver l’énergie nécessaire à la mise en œuvre de ses objectifs ?  Dès lors, une mission impossible est déjà devenue possible. 

 

 

L’Application 16h44 : Vérifiez votre capacité à réussir votre “mission impossible”.

 

Favorisez la coopération et l’entente au sein du groupe demandant à chacun ce qu’il met au service de la mission. Identifiez les points forts de chaque membre et inventez de nouveaux rôles si besoin.

Vérifiez que chacun est toujours en mesure de définir les objectifs et d’avoir une vision partagée de votre mission. Identifiez les valeurs, clarifiez le cadre et refaites un point collectivement.  Favorisez le travail en sous-groupes et faites des va-et-vient avec le collectif pour alimenter ce qui doit l’être.

 Faites-vous accompagner d’un facilitateur qui aura cette posture haute par rapport au cadre tandis que vous conservez la posture haute sur le contenu.

 Etes-vous en mesure de prendre des décisions partagées rapidement et efficacement ?

 

 

 

4 commentaires sur “Inès MENDES : Comment rendre possible la mission impossible ?”

  1. Merci pour ce point de vue très intéressant. Tout cela me fait penser à Mark Twain : « Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait ». C’est effectivement associé à un pluriel, à une équipe.
    Mais je pense que l’importance d’une mission, d’une vision et de valeurs est toute aussi cruciale pour une aventure entrepreneuriale individuelle. J’y travaille en tous cas pour mon activité ! 🙂

    1. Oui ! Cette citation de Mark Twain qui m’inspire beaucoup illustre à merveille le propos. Je « travaille » moi aussi à la définition – pour moi-même et de moi dans mon environnement actuel – de ma vision, de ma mission et de mes valeurs. Bon vent à votre propre aventure. Et merci pour le partage de votre point de vue 😉

  2. Non madame, les fondamentaux d’un projet ne sont pas « la vision, la mission et les valeurs partagées » mais « des objectifs précis et des gens compétents ». Vous mélangez vision stratégique (le but), niveau d’action (degrés de remise en cause) et apports de valeur (qui sont les bénéficiaires) avec les projets (adaptation à l’environnement). Vos affaires de cadre, groupe, communication, talents et énergie se rapporte au développement personnel qui pour moi a toujours été une vaste escroquerie. Vous vous faites de la publicité à bon compte mais vous manquez cruellement de fond et il fallait que ce soit dit !

    1. C’est intéressant Eric de lire votre point de vue. En effet, il se base sur une vision du projet orientée « résultat » et cela se tient dans un environnement très compétitif. Depuis quelques années, ayant expérimenté une autre façon de mettre en place des projets beaucoup plus en adéquation avec mes valeurs d’aujourd’hui, je me sens plus heureuse, plus efficiente et plus en phase avec la mission que je me suis donnée d’accompagner le changement sociétal. Non seulement mon axe de tolérance s’est agrandi mais en plus je suis devenue beaucoup plus agile en ayant développé notamment cette compétence d’adaptabilité aux nouveaux environnements qui m’entourent et celle d’une reconnaissance aiguë des savoir-faire autour de moi. Très autonome dans mon emploi de salariée où j’agis comme une « auto-entrepreneuse » aux côtés d’une petite équipe de collègues tout aussi indépendants que moi, j’ai construit ma route pour ne pas avoir besoin de publicité. Pour moi celle-ci fait partie déjà d’un monde devenu obsolète. J’aime davantage faire partie des témoins qui observent et font émerger la société d’aujourd’hui. Mais tout n’est question que de points de vue. J’en conviens.

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