Caroline GRESSEL : Au coeur de l’Agilité

 

L’Experte 16h44

 

16h44 met le cap sur Nantes à la rencontre de Caroline GRESSEL.

Au sein CBP Group, courtier en assurance de 700 personnes, Caroline Gressel se consacre à la transformation agile des organisations et de leurs processus.

Forte d’une double compétence business et IT – terreau historique de l’agilité – elle est également une organisatrice active de l’association Agile Nantes. Cette passionnée de la transformation des organisations partage aujourd’hui avec nous son expérience de l’agilité.

Vous pouvez également la retrouver sur LInkedin où elle poste régulièrement, avec humour et pertinence.

 

Caroline, on entend beaucoup parler d’agilité en ce moment, mais de quoi parle t-on exactement ?

 

Le manifeste agile décline 4 plus-values qui sont de grandes sources d’inspiration pour piloter de nouvelles pistes d’amélioration, étendre la vision et l’action de l’entreprise. Les auteurs privilégient :

Les individus et leurs interactions, plus que sur les processus et les outils.

Un logiciel qui fonctionne plus qu’une documentation exhaustive.

La collaboration avec les clients plus que la négociation contractuelle.

L’adaptation au changement plus que le suivi d’un plan.

Ces 4 approches sont plus à même de répondre aux besoins d’évolution rapide de nos organisations. L’univers numérique est visible dans ce manifeste, mais il est en réalité transposable à tous.

 

As-tu un exemple qui te vient à l’esprit pour que l’on comprenne la complexité et la subtilité de l’agilité ?

 

L’une des forces principales de l’agilité est de distinguer le complexe du compliqué : Accepter la complexité d’une situation et s’organiser le plus simplement possible pour la gérer au mieux. Avec le temps, les organisations laissent des règles de fonctionnement perdurer, en ajoutent d’autres. La situation n’est pas plus complexe, c’est l’organisation qui est devenue compliquée.

Je peux vous parler d’un cas très précis où un directeur d’un grand groupe souhaite améliorer l’efficacité de ses “réunions de priorisation”, dont l’objectif est construire un budget annuel qui satisfasse les objectifs de l’entreprise. En réalité, chaque participant s’y rend en espérant valider son propre budget, pour son propre département. Pire, on n’y va pas pour gagner mais pour faire en sorte que son service y perde le moins possible. Pire, chacun sait que les prévisions s’appuient sur de nombreuses incertitudes.
On peut essayer d’améliorer la technique d’animation, son processus, mais si l’on travaille avec des variables viciées, à savoir la raison d’être de ces réunions, on ne va pas au cœur du problème.

Je m’explique : La réunion de priorisation (budget…) a pour objectif de prendre des décisions, des arbitrages pour toute la durée de l’année. Si je commandite cette réunion, je crois donc que de façon centralisée, je suis toujours en mesure de prendre de bonnes décisions. Cela reste vrai à une toute petite échelle. Mais très vite, l’entreprise se développe, le contexte diffère selon les équipes, les partis prenantes sont plus nombreuses, bien au-delà de l’entreprise. La nécessaire parfaite connaissance des fournisseurs, des clients et des collaborateurs impose un constat : Le contexte change très souvent, les décisions deviennent caduques très rapidement.

 

Pourtant, nombre d’organisations s’appuient encore sur la notion de hiérarchie pyramidale.

 

Plus vous décidez tard et plus cela vous coûte cher : Dessinez une courbe avec en abscisse le temps nécessaire à la prise de décision et en ordonnée le coût du défaut/problème, vous obtenez une courbe exponentielle. Si vous privilégiez le fonctionnement hiérarchique, le temps que la décision arrive au décideur, vous avez déjà perdu une grande partie de sa valeur, et cela même si la décision s’avère juste. Cela vous coûte en client, mais aussi en motivation d’équipe.

Dans ce contexte, sans système de gestion agile et en particulier sans équipes autonomes, des entreprises sont amenées à réagir de façon mécanique, parfois de façon caricaturale, et beaucoup plus fréquemment qu’on imagine. Il est tentant de demander à chacun de réduire ses coûts de façon égale. On sent bien que cela va générer des iniquités, mais on se dit qu’on gérera plus tard les ajustements.

 

Comment éviter cela ?

 

En instaurant une plus grande subsidiarité, on inverse le processus. Plutôt que de contrôler et de prioriser de façon centralisée, je vais m’attacher à ce que la décision arrive le plus tôt possible, au plus près du moment où elle surgit, au plus près de sa source et donc sur le terrain. L’idée est de partir du principe que “c’est celui qui fait qui sait”. A partir de là, on met tout en oeuvre pour que les personnes au plus près du client soient en mesure de changer le processus.

L’avantage c’est que l’opérateur (ouvrier, informaticien,…) c’est-à-dire celui qui sait ce qu’il est capable de réaliser, qui connaît le temps d’exécution réelle d’une tâche et qui peut ajuster son “geste” au contexte, cette personne va décider vite. On fait alors l’économie de la programmation et de l’estimation budgétaire, processus longs et aujourd’hui inadaptés, pour profiter de processus courts. Selon la fameuse courbe de gravité, même en cas d’erreur, ce n’est pas grave, car on est en mesure de vérifier très vite si l’on s’est trompé. Et le cas échéant de rectifier très vite.

 

Peux-tu nous fournir quelques exemples de réussite de la méthode agile ?

 

J’ai en tête l’exemple d’une startup, MySmartJourney, qui a conçu un jeu personnalisable de rallye à l’aide de jetons à code barres, posés dans les endroits stratégiques, et d’une application numérique pour animer ce jeu et enrichir l’expérience. Elle l’a testé auprès de ses prospects avec des jetons en papier, et elle s‘est rendu compte que certaines fonctionnalités qu’elle avait prévu de développer seraient inutiles mais que d’autres qu’elle avait ignorées s’avéraient essentielles (résister à l’eau et au vent par exemple). Son prototype lui a permis de valider très vite sa proposition de valeur et de produire quelque chose de différent de ce qui était initialement prévu.

A chaque étape, votre livrable vous donne un feedback et des opportunités d’amélioration. Vous pouvez corriger avant d’avoir investi trop lourdement.

 

Caroline, tu nous as montré l’impact organisationnel de ce nouvel état d’esprit. Mais est-ce si facile d’implanter l’agilité? Comment opérer le changement ?

 

Cela peut être très délicat. Envisager la transformation n’est pas simple. Aujourd’hui, je voudrais mettre l’accent sur l’usage du temps. Beaucoup essaient de lutter contre le temps qui passe, alors qu’il faudrait peut-être compter avec lui : intégrer la phase où l’entreprise va travailler de façon passive en attendant que ça germe, etc.

Quelle que soit la méthode utilisée : bouche à oreille, évangélisation par cercles concentriques ou transformation en marche forcée avec réunions, formations à la conduite du changement, cela semble prendre autant de temps. Les frustrations sont différentes, à différents endroits, mais le temps de la transformation est inéluctable.

 

Quels sont les principaux écueils à éviter ou les points de vigilance à avoir à l’esprit quand on s’engage dans ce changement ?

 

Je remarque que certains biais sont plus fréquents que d’autres. De façon générale, j’ai vu de nombreuses entreprises mettre en place des méthodes agiles sans changer l’organisation et l’état d’esprit. On parle alors plus d’agitation que d’agilité…Citons 3 points de vigilance en particulier :

Garder en tête le but, qui n’est ni la mise en place de l’agilité, ni la construction d’une organisation parfaite. Quand je transforme l’organisation, je la rends optimale à un moment donné. Mais l’évolution permanente de son environnement rendra nécessaire de nouvelles remises en cause. Le phare qui guide les différentes transformations est la raison d’être de l’entreprise.
La culture d’entreprise. On en parle beaucoup comme d’une variable importante mais je trouve l’idée d’une culture d’entreprise un peu sectaire. Si l’on considère au contraire que chacun apporte sa propre culture, alors on accepte que cette organisation évolue, chacun offrant un rouage de plus. Cela génère plus de respect et plus de réussite. L’entreprise est alors forte, non pas d’une, mais de plusieurs cultures.
La gestion de l’erreur. C’est le fondement d’une dynamique d’amélioration continue. Cela rend possible la prise de risque et donc l’innovation. C’est non seulement un état d’esprit, c’est aussi une compétence, un processus, un budget…

 

 

16H44 L’Application

 

Pour faire un pas vers l’agilité, commençons pas les fondations : clarifier la raison d’être de l’entreprise.

Ecrivez et/ou dessinez la raison d’être de votre entreprise : cela doit être clair pour vous, mais aussi identifiable et partageable avec les autres, collaborateurs, clients et partenaires. Un exercice s’y prête particulièrement : l’exercice du “Speed boat” : Dessinez votre île de demain et le bateau d’aujourd’hui. Où sont les requins, les tempêtes, les dauphins ?

Avant de proposer à votre équipe d’être plus agile, interrogez-vous : en tant que manager, dirigeant, ou même client, comment vais-je être agile ?

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