Christine MENARD : Une compréhension des mécanismes neuronaux au service des femmes.

 

« Comprendre comment notre cerveau fonctionne permet d’éclairer certains de nos comportements »

 

L’Expert 16 h 44

 

Alors qu’elle exerce des responsabilités marketing dans de grands groupes internationaux, Christine Ménard apprend à vivre dans des environnements où les comités de directions sont très masculins.  L’intérêt qu’elle porte à la place des femmes dans les organisations vient certainement de cette époque, et ne fera que se renforcer au fil de sa carrière.

Aujourd’hui conférencière, coach et experte en neurosciences et sciences du comportement, elle est sollicitée par de prestigieuses entreprises et intervient notamment à l’ESSEC et à l’INC (Institute of Neuro Cognitivism). Elle consacre une large part de son travail aux femmes et a lancé il y a quelques années le programme “Femmes et Talents” qui aide les dirigeantes ou cadres supérieures à exprimer tout leur potentiel. Ce programme est soutenu par de grandes entreprises, convaincues de la nécessité d’une plus grande mixité au plus haut niveau de l’organisation.

16h44 a questionné Christine Ménard sur le cerveau, les croyances limitantes et leur dépassement.

 

Christine, tu t’intéresses depuis toujours à la capacité des femmes à exprimer leur potentiel. Tu m’as parlé de ta rencontre en 2004 avec Jacques Fradin, expert en neurosciences et sciences du comportement. Quel éclairage apporte son travail sur le cerveau et sur ta propre recherche ?

 

Le fait que les femmes soient moins nombreuses que les hommes dans les sphères dirigeantes ne s’explique pas par une différence de cerveau selon le sexe, bien sûr. Mais culturellement, les hommes sont plus enclins à faire valoir leur travail alors que les femmes sont souvent plus discrètes, avec une tendance à moins se mettre en avant, encombrées par un certain nombre de croyances limitantes. Comprendre comment notre cerveau fonctionne permet d’éclairer certains de nos comportements, et de lutter contre ceux qui, par exemple, entretiennent l’inégalité entre hommes et femmes. Le travail de Jacques Fradin met en avant différents territoires du cerveau qui s’activent lorsque nous prenons une décision, et notamment celui que l’on appelle le néo cortex préfrontal. Ce territoire, qui n’est mature que vers 25 ans, relève de la gouvernance adaptative, c’est-à-dire qu’il nous permet de nous adapter aux situations nouvelles, complexes, et d’élaborer des stratégies innovantes, inédites. Il est donc fondamental pour faire bouger les lignes de notre propre manière d’agir.

 

Sur quoi agissent les trois autres territoires décisionnels ?

 

Le territoire instinctif  intervient dès lors que nous sommes en situation de stress. Il assure la survie individuelle.

Le territoire grégaire permet de réguler les rapports de force au sein d’un groupe. Notre tendance à la dominance, à la soumission, nos capacités de conciliation, notre confiance ou notre méfiance à l’égard des autres sont mises en jeu. Issu d’un mélange d’éducation et de génétique, ce territoire, par un phénomène d’auto-régulation, fait que chacun reste à sa place.

Enfin, le territoire émotionnel mobilise nos motivations, nos valeurs, nos antivaleurs et nos interdits. Lorsque vous êtes en prise à une forte réactivité ou que vous jugez hâtivement, vous êtes gouverné par ce territoire.

Il est donc important dans certaines situations d’activer la  gouvernance adaptative plutôt que les trois autres afin de s’extraire de schémas limitants.

 

En quoi les femmes sont-elles plus fortement bridées dans leur évolution ?

 

L’aptitude au changement est la même chez les hommes comme chez femmes. Mais les constructions sociales sont telles que les femmes intègrent beaucoup plus que les hommes un certain nombre de croyances limitantes. Une étude menée sur 100 femmes m’a permis d’en identifier un certain nombre. On retrouve notamment l’idée selon laquelle parler de soi ou de son travail est prétentieux. Pour 90%, se mettre en avant est une anti-valeur. Or, être capable de poser un regard objectif sur ses talents, identifier ce que l’on sait faire avec facilité et savoir le communiquer permet de s’estimer justement, et permet surtout aux autres de nous situer, voire parfois simplement de nous remarquer. Le risque, quand on évite absolument de se mettre en avant, c’est de développer des mécanismes de compensation et de surinvestir en espérant que les autres nous remarquent et d’eux mêmes apprécient notre travail.

On constate également qu’un certain nombre de femmes, même lorsqu’elles embrassent des carrières ambitieuses, peuvent avoir du mal à s’exprimer sur des sujets qui ne relèvent pas strictement de leur domaine d’expertise. C’est un peu le syndrome de l’élève parfaite qui n’intervient que si elle maîtrise totalement le sujet. De manière générale, il y a souvent un sentiment d’illégitimité qui touche  davantage les femmes. Pour autant, elles n’ont pas moins d’idées pertinentes et il arrive souvent qu’elles les expriment en dehors du codir, dans un cadre moins formel, à leurs collègues qui leur diront “mais pourquoi ne l’as-tu pas dit en réunion?”. Situation qui peut s’avérer frustrante, voire générer du ressentiment.

Enfin, une autre croyance largement répandue est celle qui consiste à penser qu’il faut se contenter de ce que l’on a. Lorsqu’une femme reçoit une promotion, elle est contente. Un homme a plus facilement tendance à négocier des avantages, une voiture, des bonus. On retrouve l’idée de ne pas se mettre en avant, de se faire discrète et de se satisfaire de ce que l’on nous donne.

 

Comment hommes et femmes peuvent-ils se libérer de ces croyances et dépasser leurs propres interdits ?

 

En prendre conscience est une première étape. Ensuite, il faut s’entraîner à tester de nouveaux comportements. Des recherches récentes en neurosciences ont montré que la plasticité neuronale rend possible la création de nouveaux chemins neuronaux. Alors il faut explorer, tenter de nouveaux comportements, se faire confiance. Je propose souvent aux femmes que j’accompagne l’image de la piscine dans laquelle il faut plonger. Il faut oser faire le grand saut pour dépasser un comportement limitant, oser prendre la parole, oser s’affirmer, etc. La plupart du temps, une fois qu’elles ont plongé elles se rendent compte que le risque était surévalué, que la piscine n’est pas si profonde ! Et elles sont fières d’être parvenues à se faire entendre.

Les initiatives de chacune et de chacun construisent peu à peu une plus grande mixité, pour le bien de tous.

 

 

 

L’Application 16H44

Dès maintenant, demandez-vous quels sont les avantages et les inconvénients de vos modes de fonctionnement.

Cette semaine

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2 commentaires sur “Christine MENARD : Une compréhension des mécanismes neuronaux au service des femmes.”

  1. Excellent interview, malheureusement trop court. La tendance de différencier entre hommes et femmes est peut être une erreur car c’est plutôt un continue. L’etude a t elle faite en France ? Je pense qu’il y a des différences culturels entre le comportement dans différents pays entre hommes et femmes et dans une entreprise cela doit être pris en compte. Finalement et c’est effrayant c’est la possibilité d’influencer le comportement grace a une intervention médicale, cela va arriver, mais heureusement on n’en est pas encore la du moins je l’espère…..Un bon chef d’entreprise sait avoir un melange de comportement ce qui valorise l’entreprise.

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