Asdine Djelfi : Osez pivoter

Asdine DJELFI : Oser Pivoter

 

“Accepter de monter nu sur le ring”

 

L’Expert 16h44

 

Asdine Djelfi sait donner vie à un projet à partir d’une feuille blanche. En 2015, convaincu de l’importance d’une bonne mise en relation, cet expert en stratégie d’entreprise et en management crée l’application de rencontres professionnelles Pitchr (www.pitchr.fr). L’aventure qui a débuté au sein d’Euratechnologies se poursuit désormais au Village by Crédit Agricole, lieu idéal de fertilisation des start-up avec de grands groupes. Muni d’un MBA (Master of Business Administration) et coureur de vitesse en course à pied, Asdine a le souci de l’excellence. Pour 16h44, il revient sur une idée clé qui accompagne son parcours : la capacité d’une start-up à “pivoter”.

 

 

Asdine, ta start-up vient de “pivoter”. Ce concept, courant dans le monde des start-up, reste méconnu de certains managers. Peux-tu l’expliquer ?

De manière générale, l’innovation renvoie à une façon imaginative de faire face au changement. Il s’agit de générer de nouvelles idées, d’effectuer de la R&D, d’améliorer les processus ou de renouveler les produits et les services. Pour une start-up qui évolue plus particulièrement dans le digital, il est essentiel de très vite se confronter à son marché pour l’apprivoiser et, nécessairement, s’y adapter. On dit souvent « Fail Fast and move on». Si nous défaillons, faisons-le vite et continuons notre route. C’est ce que nous avons fait à trois reprises successives avant d’aboutir à des solutions qui se vendent.

Pivoter, c’est donc repartir d’une feuille blanche et de faire preuve de créativité, d’innovations, mais aussi de confiance et d’énergie. Une entreprise traditionnelle se confronte rarement à des évolutions aussi rapides, et n’a souvent pas la possibilité de remodeler son usine ou ses process si vite.

 

Peux-tu nous faire vivre cette aventure comme si nous étions au coeur de ton entreprise ?

Nous avons créé Pitchr parce que nous avions identifié un besoin non pourvu : celui de connecter les membres d’une communauté, et d’interconnecter les communautés entre elles, en présentiel comme en virtuel avec des fonctions interactives relativement abouties…

Le développement de cette application et de sa plateforme de gestion sur Internet a pris une année. Lorsqu’est arrivé le moment de se confronter au marché, nous avons dû faire face à différents phénomènes. D’abord, les utilisateurs comme les communautés auxquelles nous nous adressons font preuve d’une certaine résistance au changement qui demande du temps pour être dépassée. Cela ne se fait pas instantanément. Nous avions un business Model qui était grippé par une monétisation trop lente. Ensuite, parce qu’on n’a jamais une idée seul, il a fallu composer avec l’arrivée d’autres intervenants qui avaient eux aussi détecter ce besoin de mise en relation. Des acteurs américains comme Tinder ou encore le français Shapr, voyant le potentiel du marché, se sont également positionnés, mais avec des moyens colossaux et un système de financement beaucoup plus offensif. On se savait susceptibles d’être bousculés…

Tout cela a donc contribué à modifier le paysage. Nous disposions de “briques technologiques” avancées qui étaient toujours valables mais dont il fallait repenser l’utilisation pour qu’elles restent pertinentes dans une nouvelle configuration. C’était le moment de pivoter.

Concrètement, la solution a consisté à créer des offres en “marque blanche” qui permettent de faciliter et de dynamiser les interactions humaines dans sa sphère professionnelle. Une solution corporate et une solution pour les événements sont nées de cet aboutissement et nous permet d’être désormais connectés aux besoins réels de nos clients.

Le succès de notre application Teamin’APP tient au fait qu’elle crée des liens et de l’interactivité entre les membres d’une communauté, même lorsqu’ils sont physiquement distants. Une grande entreprise l’utilise par exemple pour renforcer la dynamique collective de ses vingt agences en France, fédérer ses équipes, communiquer efficacement ou encore générer des opportunités pour chacun de ses collaborateurs. Le pôle d’innovation Cap Industrie a lui aussi fait le choix d’équiper ses 3500 adhérents avec notre solution.

L’application Event’app facilite quant à elle la connexion entre participants et exposants à un même événement, avant, pendant ou après l’événement. Elle fait ses preuves, comme on vient de le voir sur deux forums du recrutement ou encore lors de la convention d’un grand groupe bancaire. Aujourd’hui, nous sommes en compétition sur de beaux projets qui pourraient nous amener à nous positionner sur des projets événementiels internationaux.

Ces applications sont le résultat concret de cette démarche de pivot.

 

Merci de nous avoir fait vivre cette expérience du pivot. Qu’est-ce qui est, selon toi, fondamental pour réussir cet exercice difficile ?

Il y a quatre difficultés à dépasser pour opérer un bon pivotage :

– La première est psychologique. Il faut accepter de monter sur le ring, nu. Cela peut sembler vertigineux, la première fois, de modifier ses plans pour tenter de nouvelles choses. Mais au fil des expériences, on finit par combattre mieux protégé et avec plus d’aisance.

– La deuxième est stratégique. Il faut être capable de se réinventer sans perdre son âme. Pitchr a été entièrement désossé mais notre ADN n’a jamais été écorné, et il ne sera pas remis en cause, quand bien même l’activité actuelle devrait encore être redessinée. L’envie de créer des mises en relations généreuses, à forte valeur ajoutée, demeure l’essence de nos projets.

– La troisième est marketing. Il faut profiter de l’énergie de ceux qui t’encouragent, mais aussi et surtout être capable de prendre en compte les remarques des “détracteurs bienveillants”. Ceux qui te font avancer sont souvent ceux qui n’y croient ou qui émettent des réserves et qui finalement te poussent à faire évoluer ton projet. Cela rend l’écoute client vraiment efficace.

– La quatrième, enfin, est opérationnelle. Le plus difficile est d’accepter de ne garder que 20% de ce que tu as construit, car seuls ces 20% correspondent vraiment à la demande des clients. Et puis les premières commandes arrivent et entraînent avec elles d’autres commandes…

 

Comment transposer ces enseignements pour une activité plus traditionnelle ?

En premier lieu : prendre le chiffre d’affaire comme jauge. Si ton produit ne se vend pas ou plus, c’est que ton offre ne répond pas ou plus à une demande. Ensuite, il faut accepter, dès que ton activité faiblit et avant d’aborder la phase de déclin, de te défaire d’une partie de tes ressources, de tes habitudes, du process. Même et surtout si avec le temps ils s‘étaient gravés dans le marbre.

Enfin, il faut toujours rester connecté à ta mission et à tes valeurs. Pour nous, l’idée clé est qu’il n’est pas si facile de rencontrer la bonne personne, au bon moment. Il faut bien identifier l’essence de sa démarche et toujours la garder en ligne de mire.

 

 

16H44. L’Application.

Définissez aussi précisément que possible l’ADN de votre projet, et inscrivez-le pour ne pas le perdre de vue. Identifiez ce qui, dans votre offre, est intemporel.

Demandez-vous : Si je devais ne garder que 20 % de mes ressources et de mon activité, qu’est-ce qui est essentiel ? Que dois-je conserver absolument ?

Confrontez-vous aux critiques.

Ecoutez-les attentivement, peuvent-elles faire évoluer votre offre pour le mieux ?

 

 

4 commentaires sur “Asdine DJELFI : Oser Pivoter”

  1. Super bon, cela s’applique aussi pour réussir aux USA. Je remarque qu’Asdine n’a pas mentionne de béquille que ce soit du gouvernement ou autre. C’est en se jetant a l’eau qu’on apprend a nager…… maintenant il faut avoir et le courage et la motivation…. impossible n’est pas français!

    1. Bonjour Alain,
      Oui, je n’ai pas pensé à faire mention des très rares « béquilles » sur lesquelles nous nous appuyons, mais elles méritent bien, en effet, une petite citation 😉 Depuis le début, Euratechnologies nous a hébergé pour le lancement du projet dans son incubateur, complété de conseils, d’interventions thématiques et d’un éco-système accessible. Puis, Nfid (Conseil Régional) qui lui a contribué financièrement au développement de l’algorithme de recommandation initial, et enfin le Village By CA (Crédit Agricole) qui nous accompagne avec une offre immobilière adaptée, des ateliers thématiques, et nous permet l’accès au réseau des partenaires (Grands groupes et ETI) impliqués dans ce dispositif, c’est vraiment TOP. Puis, il y a ceux que nous avons volontairement écarté, parce que trop administratifs ou beaucoup trop précautionneux…

  2. Merci pour cet article qui prouve à nouveau combien il est important d’avoir bien défini ses valeurs et sa Mission pour pouvoir accepter de pivoter rapidement: l’abandon du superflu, de ce qui ne marche pas devient plus « simple » comme le dit si bien Asdine, car on ne perd pas son ADN.

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